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L’impunité dont ont bénéficié députés et sénateurs

@CitoyensFrOff | Publié le sam 12 Jan - 16:16 | 1578 Vues

Cadeaux, courses, remboursement d'emprunts... Quand certains parlementaires abusent de leurs frais de mandat

La justice vient d’ouvrir 15 enquêtes visant des parlementaires soupçonnés d’avoir abusé de leurs frais de mandat. L’impunité dont ont bénéficié députés et sénateurs pendant des années semble révolue. Mais les règles récemment adoptées par les assemblées paraissent encore insuffisantes.

De possibles abus de prêts accordés par l’Assemblée nationale

Les soupçons de la HATVP sont nés lors de l’examen de la déclaration de patrimoine qu’ils ont dû remplir en fin de mandat en 2017. Des variations suspectes par rapport à la déclaration déposée en début de mandat en 2012 ont conduit la Haute autorité à regarder de près leurs relevés de compte bancaire dédié à l’IRFM. Certains parlementaires auraient utilisé ce compte pour payer des dépenses personnelles.

Rembourser l’achat de son logement grâce aux frais de mandat

Par le passé, d’autres prêts accordés par les assemblées, aujourd’hui supprimés, ont pu donner lieu à des dérives : les prêts immobiliers. D’après des documents que nous avons pu consulter, ils permettaient aux députés et sénateurs d’emprunter jusqu’à environ 300 000 euros à des taux très avantageux au début des années 2000 (2 % à l’Assemblée, 2,5 % au Sénat). Ces prêts ont notamment permis à certains parlementaires de s’enrichir via l’acquisition de leurs permanences

En 2015, un règlement… qui ne règle rien

Ces abus ont été rendus possibles par l’absence totale de contrôle exercé sur ces sommes depuis la création des premières enveloppes pour frais de mandat en 1953. Jusqu’en 2015, aucun texte ne fixait précisément les conditions de leur usage. En 2012, Mediapart révèle que certains députés paient des dépenses personnelles avec leur IRFM.

Une députée LREM payait ses dépenses personnelles sur ses frais de mandat

Il faudra en fait attendre 2015 pour que cette déclaration sur l’honneur existe, ainsi qu’une première liste d’usages autorisés de l’IRFM. Pour autant, les dérives ont perduré. Nous nous sommes procuré les relevés de compte d’IRFM d’Anne-Christine Lang sur l’année 2016. Elle était à l’époque membre du groupe socialiste. Cette députée de Paris siège toujours à l’Assemblée, mais sous l’étiquette LREM. 

Jusqu’à 2 000 euros de retraits en liquide par mois

Autre constat : la députée retirait tous les mois en moyenne 1 500 euros d’argent liquide et jusqu’à 2 070 euros pour la période du 11 juin au 13 juillet 2016. Au téléphone, Anne-Christine Lang nous a expliqué qu’elle préférait "régler en liquide pour des raisons de confidentialité. Je n’avais pas envie qu’on sache où je mangeais, avec qui, etc." Selon elle, ces sommes servaient bien à payer des dépenses professionnelles. Néanmoins, ses relevés font apparaître un retrait de 250 livres sterling, en août 2016, en Angleterre, alors qu’elle y passait des vacances, selon nos informations, ce qu’elle nous a confirmé. "J’ai organisé deux dîners" nous a-t-elle affirmé dans un premier temps au téléphone, sans vouloir nous dire avec qui, avant de nous donner une autre explication par mail : "J'ai réglé un 'pot' avec des élues féministes anglaises et une veste à Canterbury" écrit-elle, sans nous préciser l'identité des élues.

La réforme de 2017, une occasion ratée

Depuis la fin 2017, un nouveau règlement est en vigueur à l'Assemblée nationale. L’IRFM est désormais remplacée par l’AFM (avance de frais de mandat) : les députés et sénateurs continuent de toucher respectivement 5 500 et 6 000 euros tous les mois. La nouveauté est qu’ils devront être capables de justifier leurs dépenses en cas de contrôle. Néanmoins, pour Paul Cassia, professeur de Droit à l'université Paris 1, "il n’y a pas de contrôle des frais de mandat. C’est de l’enfumage ! Les sénateurs seront contrôlés par leur comité de déontologie, qui est composé de sénateurs, poursuit-il. L’autocontrôle n’est pas un contrôle. Imaginons que le président du Sénat, Gérard Larcher, utilise mal ses frais de mandat. Qui va aller lui dire ?" François Pillet, le président du comité de déontologie au Palais du Luxembourg précise : "Nous serons assistés d’experts comptables qui effectueront les contrôles". Oui, mais les rapports des expert comptables seront-ils publics afin de s’assurer qu’il n’y aura pas d’arrangements entre sénateurs ? Réponse : "Non… Ils resteront secrets". En dernier ressort, c’est le bureau du Sénat qui décidera d’éventuelles sanctions en cas d’abus, là encore, dans le secret de son huis clos.

"L’argent de poche" des députés et sénateurs

Les parlementaires se sont accordés une enveloppe mensuelle pour laquelle ils n’auront pas besoin de justificatifs. D’un montant de 600 euros pour les députés, elle s’élève à 885 euros chez les sénateurs. Une décision étonnante, qui serait de surcroît contraire à la loi du 15 septembre 2017 selon le juriste Paul Cassia : "La loi ne permet que deux régimes de paiement des frais des parlementaires : ou la prise en charge directe par les assemblées, ou le remboursement sur facture. Les députés et les sénateurs ont contourné la loi. Ces sommes, c’est de l’argent de poche !"

Quand la déontologue de l’Assemblée critique la réforme du système

Les députés, comme les sénateurs, ne seront pas contrôlés tous les ans. Les règlements des deux assemblées expliquent seulement qu’ils devront l’être "au moins une fois par mandat".

francetvinfo.fr

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